Enracinement :
On parle beaucoup d'enracinement aujourd'hui dans le développement personnel. Cette tendance provient peut-être du désoeuvrement de l'homme moderne face aux contingences actuelles. La pression sociale travaille comme le vent sur l'arbre. Doucement mais sûrement, elle arrache l'être humain à sa terre. S'il existe un qi gong sous la terminologie posture de l'arbre, c'est que les chinois possèdent une certaine finesse. Leur génie consiste à observer la Nature et à en déduire les principes fondamentaux. Ainsi, l'homme a les pieds sur terre et la tête dans les étoiles. Il agit comme vecteur entre le dense et le subtil. Une partie yin et une partie yang.
Dans le taiji quan, l'enracinement désigne la capacité à établir une fondation solide capable de résister à une contrainte adverse. L'équilibre se trouve dans la verticalité. Au sens physique, il s'agit d'aligner la structure osseuse liée toniquement par les tendons. Grâce à un travail d'étirement-relâchement (song gong), la force est acheminée du point de contact au sol. Avec de l'entrainement, on devient même capable de renvoyer celle-ci sans effort à la manière d'un ressort. Ces énergies véhiculées se nomment jin. On parle parfois de force élastique au vu du rebond exercé lors de l'échange.
Comment s'effectue le processus ? L'alignement curviligne des membres associé à la rectitude du tronc offre un passage des vecteurs de force optimal. Dans la détente, les articulations sont tenues par les tendons dont la capacité peut se trouver jusqu'à dix fois supérieure à celle du muscle. Lorsque le corps se vide de ses tensions, il autorise le passage de la contrainte dans sa verticalité. L'énergie se dirige ainsi principalement vers le sol. Lorsqu'elle trouve la résistance de ce support, une pression s'emmagasine sous les pieds. L'effet va être jaillissant et fulgurant avec la remontée le long des lignes de force. Le partenaire se trouve repoussé.
Mais encore ? Au niveau énergétique l'enracinement consiste à simplement être là. Ainsi, avec l'entrainement l'attitude peut varier d'une solide assise fixe à une posture légère mobile sans perte d'ancrage. Ce phénomène s'explique par le passage des flux internes. La constance des échanges entre êtres vivants a amené les chinois à décrire le monde comme un seul et même mouvement dénommé " Qi " universel. S'intégrer à ce flot incessant offre la stabilité et la connaissance. Ainsi dans le taiji, nous nous installons dans le présent de manière à laisser libre cours aux souffles. Il s'ensuit un équilibre yin-yang interne-externe. L'adversaire ne sait pas nous déstabiliser car nous n'offrons aucune prise.
A haut niveau, l'enracinement est synonyme de vide. On parle de ling kong jin (force vide) lorsque le miracle du qi apparaît sous sa forme subtile. En effet, les échanges énergétiques n'impliquent pas un contact. Un pratiquant expérimenté peut transformer l'environnement direct. Il devient apte à défaire n'importe quel adversaire avec ou sans toucher. Ceci illustre la communion des forces individuelle et cosmique. Tout en un et Un en tout. L'expérience donne des formes variées à ces capacités apparemment sur-humaines. Si elles existent ce n'est certainement pas surnaturel mais la conséquence d'une ouverture à notre propre nature.